L’homme
par qui le rêve de millions de fans est devenu
réalité nous a accordé un peu de son précieux
temps pour nous parler de sa vision du cinéma et
de son approche du DVD.
Quelle est votre
relation avec le personnage de Spider-Man
?
Je suis un grand fan des comic-books
en général depuis que je suis tout petit, mais mon
attention s'est plus portée sur Spider-Man car
Stan Lee et Steve Ditko, les créateurs du
personnage, lui ont donné un aspect très humain :
ils l'ont rendu faillible et réel. Ils en ont fait
une personne qui, étant jeune, était intéressé par
les filles. Vous savez, Superman et Batman sont
des héros que nous élevons sur un piédestal, mais
Spider-Man est vraiment l'un des nôtres et cela le
distingue largement des autres super-héros.
Toujours adolescent, il doit rentrer chez lui
faire ses devoirs et ranger sa chambre, même après
avoir combattu des méchants. Il est constamment
obligé de cacher ses secrets à sa tante. Et il y
avait beaucoup d'éléments de sa personnalité avec
lesquels je pouvais m'identifier, pas forcément
son côté "héroïque" qui tient plus du rêve devenu
réalité, mais tout le reste. C'est ainsi que je me
suis attaché au personnage et que j'ai suivi ses
aventures, et quand le temps arriva pour Columbia
Pictures de faire leur Spider-Man, bien que je ne
pensais n'avoir aucune chance, j'ai tout fait pour
en devenir le réalisateur.
C'était déjà
un peu vos intentions avec "Darkman" (NDLR :
réalisé par Sam Raimi en 1990) ?
Il y a
beaucoup de similitudes, c'est vrai. Avec
Darkman, je voulais créer un personnage du
type de ceux des comic-books de Marvel.
Malheureusement à cette époque je ne pouvais pas
et je n'étais pas assez renommé pour avoir le
droit d'adapter le moindre héros Marvel. C'est
donc avec mon frère, Ivan, que nous avons créer et
développé le personnage de Darkman afin de
nous-même donner vie à un personnage de comics
book.
Vous êtes devenu un réalisateur
très éclectique : Mort ou Vif, Un plan simple,
Pour l'amour du jeu et "Intuitions". Quelles sont
les raisons de vos changements de styles
?
Oui, c'est vrai. Je me suis toujours
forcé à changer de style d'un film à l'autre. Au
moment de faire le premier Evil Dead, je me
suis attaché à faire un film d'horreur le plus
différent possible de ce qui existait déjà. Et
quant l'heure fut venue de faire une suite, j'ai
essayé de faire un film très différent du premier
Evil Dead. Et quand je suis arrivé au
troisième (L'armée des ténèbres), j'ai à
nouveau essayé de faire quelque chose de
différent. Puis j'ai senti que j'atteignais les
limites de mes possibilités créatives dans ce
genre, et je me suis concentré sur l'aspect
technique en essayant de faire frissonner les
spectateurs avec des mouvements de caméra
déchaînés ou autres effets. J'estimais que je
devais expérimenter et me lancer ce challenge, et
c'est avec Un plan simple que j'ai essayé
de m'orienter vers un type de film totalement
différent. J'ai essayé de faire un film où toute
l'histoire proviendrait des acteurs et non de la
caméra ou de moi : j'essayais d'être le plus
invisible possible et laisser le public entrer en
contact avec les acteurs, leur pensées, leurs
espoirs et leur peurs. Et j'ai trouvé vraiment
excitent, c'était une très grande avancée pour
moi. Par la suite j'ai essayé de continuer à
explorer cela avec des films comme
Intuitions ou Pour l'amour du jeu,
mais quand j'ai appris que j'avais peut-être une
chance de réaliser Spider-Man, j'ai songé
que ce serait là l'occasion de faire un film où je
pourrais rassembler tout ce que je maîtrisais,
mélanger un aspect visuel divertissant et
excitant, et le combiner à ce que j'avais appris
sur la direction d'acteur.
William Dafoe
et Toby Maguire se fondent parfaitement dans leurs
personnages. Etait-ce difficile de choisir les
bons acteurs pour jouer leurs rôles
?
C'est toujours difficile de choisir
les acteurs principaux pour n'importe quel film,
et Spider-Man possédait un challenge assez unique
car son héros était connu par tous dans le monde
entier depuis 40 ans, et non pas uniquement sous
forme d'écrits, mais aussi d'apparence physique
puisqu'il était dessiné ! Il ne fallait donc pas
que nous nous trompions ! Ce qui rendit la chose
encore plus difficile, que ce soit Toby ou
quelqu'un d'autre qui soit choisi, était que
chaque mouvement, chaque choix que nous faisions
était surveillé par tout Internet, et que
lendemain nous subissions les réactions et les
sentiments des internautes en fureur. La moindre
suggestion que nous nous faisions était espionné,
publiée et pouvait être férocement débattue et
ridiculisée : c'était une situation très délicate.
Mais finalement nous avons tous réalisé, les
producteurs et moi-même, qu'il fallait les
ignorer. Il y a de la bonté chez Toby, et elle
transparaît à l'écran : le choix était donc
évident. (Laura Ziskin prend la parole) : Et
nous sommes vraiment ravis d'avoir pu inclure son
audition sur le DVD, car c'était un très grand
moment, c'était le test ultime. Nous étions tous
dans l'obscurité de la salle, sa scène a été
projetée et tout ceux du studio, Sam, moi-même et
mon associé Avi Arad avons regardé à l'écran et
nous sommes dit "Bingo ! C'est notre Spider-Man,
c'est notre Peter Parker !".
Comment
travaille-t-on avec Marvel et Stan Lee sur un
personnage aussi important que Spider-Man
?
(Laura Ziskin) Il était très
important pour nous que Stan Lee soit impliqué
dans la création du film. Je me souviens lorsque
nous avons montré pour la première fois une scène
à Stan, nous étions tous en train de guetter sa
réaction croisant les doigts pour qu'il
l'apprécie. C'est son personnage, il l'a crée et
il était primordial que le film ait son
approbation. Nous lui demandions sans cesse si
telle ou telle chose lui convenait, si ça marchait
et si les fans allaient
apprécier.
Qu'avez-vous apporté au
personnage ?
Je ne sais pas si nous
avons vraiment apporté quelque chose au personnage
: il y a en effet tellement de scénaristes qui ont
écrit tellement d'histoires différentes sur
Spider-Man pendant 40 ans que je pense que la
majeur partie de ce que vous voyez dans le film
existait déjà auparavant, comme la culpabilité
envers la mort de son oncle, cette relation
particulière avec Mary-Jane, et le fait qu'il soit
un héros incompris, par exemple.
Mais
est-ce que le personnage de Gwen qui meurt dans le
comics va apparaître dans les futurs suites, ou
est-elle définitivement intégrée au personnage de
Mary-Jane ?
C'est vrai, nous avons pris
des éléments de l'histoire du personnage de Gwen
Stacy et les avons mis dans celui de Mary
Jane.
Mais la scène du pont dans le film
était celle de la mort de Gwen Stacy
?
Vrai. C'était la scène de Gwen Stacy,
et, honte à nous, nous l'avons réapproprié à
Mary-Jane. Nous avons juste prit une situation
dramatique que les fans connaissaient et l'avons
adapté à un autre personnage.
Quant au
personnage de Norman Osbourne, il ressemble
énormément à celui de Ash joué par Bruce Campbell
dans Evil Dead
C'est très similaire
n'est-ce pas ?
C'est votre signature
dans le film ?
C'était une suggestion
de notre scénariste David Koepp en écrivant cette
scène. Ce n'est pas moi je crois qui ai proposé
cette scène du miroir. Elle m'a convenu dès qu'il
me l'a suggéré, et je pense que c'était une idée
assez originale.
Et Bruce Campbell dans
tout ça ? (NDLR : rôle-titre des trois Evil Dead
de Sam Raimi, et petit rôle dans
Spider-Man)
Ce que je peux vous dire
c'est que nous espérons lui trouver un rôle dans
la suite.
A nouveau dans un petit rôle
?
Non, un nouveau personnage qui d'une
façon ou d'une autre serait plutôt néfaste à Tobey
Maguire (NDLR : Yes ! Bruce Campbell en
super-vilain ?)
Pouvez-vous nous parler
un peu de la suite "The Amazing Spider-Man" (NDLR
: prévu aux Etats-Unis pour le 7 Mai 2004)
?
Et bien ... je ne suis pas libre de
dire quoique ce soit dessus ! Mon producteur Laura
Ziskin est juste à côté de moi en train de me
faire signe de me taire… Je ferais mieux de ne pas
dire un seul mot ! Mais on peut vous en dire tout
de même que le tournage débute fin mars 2003 dans
les studios Columbia en Californie, et dans la
ville de New York. Nous avons la chance d'avoir le
grand romancier Michael Chabon (NDLR : Wonderboys
qui fut adapté en film par Curtis Hanson, et
principalement les livres Les loup-garous dans
leur jeunesse et Les Extraordinaires aventures de
Kavalier et Clay Prix Pulitzer 2001), en train de
nous écrire la prochaine version du script : il y
travaille dur en ce moment même. Pour ma part, je
travaille actuellement avec une équipe d'artistes
sur la production du story-board et des costumes,
et un département spécifique est d'ores et déjà en
train de travailler sur les premières étapes des
effets spéciaux qui seront nécessaires à cette
suite. Nous avons commencé le casting, et sommes
en plein dans cette phase passionnante où tout se
prépare pour le début du tournage !
Quel
était votre degré d'implication dans la conception
du DVD ?
J'ai été très, très impliqué.
Les producteurs Laura Ziskin et Graham Curtis et
moi-même avons été totalement immergés dans toute
sa conception, de la taille du générique aux mots
que vous entendez en sélectionnant "Play", en
passant par le placement des éléments dans les
menus, leur aspect, etc… Nous ne les avons pas
crée nous-même, mais les avons tous commentés et
organisés. Nous avons sélectionné quels extraits
seraient utilisés et avons tout approuvé étape par
étape, visuel par visuel. De plus j'ai
personnellement supervisé le transfert du film sur
le support digital. Bref nous étions très
impliqués.
Il n’y a pas de scènes
coupées sur le DVD ?
Nous avons
vraiment utilisé tout ce que nous avions écrit et
storyboardé. Nous n'avions pas vraiment beaucoup
de scènes coupées. Le film dans son résultat final
est à peu près ce que nous avions en tête au
début. Maintenant c'est vrai qu'il y a des lignes
de dialogues qui ont été coupées, ou alors à
certains moments nous réalisions que nous n'avions
pas besoin de commencer la scène avec le gars qui
arrive dans une pièce, mais plutôt dès qu'il se
met à parler. Donc, nous avons coupé des débuts et
fins de scènes qui rallongeaient un peu l'ensemble
au risque de le rendre un peu ennuyeux, ou une
ligne de dialogue par-ci par-là qui n'avait pas de
raison d'être, qui nous paraissait inutile au
montage. Donc, en fait en matière de scènes
coupées nous n'avions pas grand-chose
d'intéressant à montrer.
Vous avez une
certaine expérience maintenant du commentaire
audio grâce aux éditions DVD de vos films. Comment
vous-y préparez vous ?
Honnêtement les
commentaires audio sont la seule chose que je ne
prépare pas ! Je me lance et je vois juste comment
cela se passe. Je ne suis pas très à l'aise avec
cette discipline, car je pense qu'un film est
meilleur sans entendre le réalisateur caqueter par
dessus. Je pense qu'il vaut mieux pour un film que
le réalisateur n'en dise pas un mot : il est
meilleur derrière une caméra à le fabriquer. A
chaque fois que j'entend un de ces commentaires je
me dit "Oh c'est tout ce à quoi tu pensais ?
J'imaginais que ce que tu avais en tête était un
peu plus profond avant d'entendre ton
commentaire…". C'est donc plutôt dévalorisant pour
moi. Bref je déteste faire un commentaire audio,
et c'est d'ailleurs la seule chose que je n'aime
pas : la voix d'un réalisateur par-dessus le film.
Je l'ai tout de même fait car Sony pensait que
c'était important pour les fans, que certains
d'entre eux voudraient entendre mes commentaires.
Je ne veux jamais décevoir les gens. Mais je ne
crois quand même pas trop en cet
exercice.
Y a-t-il eu des influences
particulières sur les menus des DVD, sur la façon
dont ils sont agencés ? Ils sont si éloignés du
film en lui-même.
Je n'ai pas beaucoup
de temps pour aller voir des films au cinéma ou à
la TV, donc je n'ai pas assez connaissance de ce
qui se fait actuellement en matière de DVD. J'ai
vu celui de Gladiator (NDLR : sorti en
Novembre 2000 !!!) et j'ai trouvé qu'ils avaient
fait un excellent travail dessus. Mais n'en
n'ayant pas vu beaucoup je n'ai pas de quoi
vraiment comparer.
Vous avez donné votre
aval pour chaque packaging à travers le monde,
pourriez-vous nous parler de celui du coffret
limité français ?
Avec Laura j'ai
supervisé les packagings des DVD de chaque pays.
Mais ce n'est pas moi qui les ai crée. Il doit y
avoir 50, peut-être 75 packagings différents
suivant les territoires. Sony est persuadé que
chaque distributeur sur chaque territoire est le
mieux placé pour déterminer quel type de packaging
conviendra le mieux pour son pays. Donc ils leur
laissent entièrement le travail. Mais c'est tout
de même à moi de l'approuver, et si je vois
quelque chose qui selon moi ne correspond pas au
personnage, je leur demande de l'enlever ou de le
changer. Donc, mon travail se limitait à donner
mon aval, je n'ai absolument pas crée les
jaquettes et packaging en eux-mêmes. Parfois aussi
ils ne mettaient que des images de Spider-Man en
action sur la jaquette : je leur demandais alors
de se souvenir que ce que je pensais que le public
avait apprécié dans le film était l'humanité des
personnages, l'histoire d'amour, la vulnérabilité
de Peter Parker, et donc d'enlever une ou deux
images et de les remplacer par des éléments plus
humains. Parfois aussi je trouvais les photos de
piètre qualité et je leur demandais de les
remplacer par des meilleurs. Bref ce n'est pas un
processus très passionnant, et je ne peux pas me
créditer du joli design du coffret français… Voilà
à quoi se résume mon implication.
Propos
recueillis par Philip Dowland et traduits par
Kevin Prin
La
rédaction
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